C’est à un atelier autour de la notion de minéralité que Romain convie les participants pour cette avant-dernière session Vertivinus.
Arrivant avec une demi-heure de retard (quelques petits problèmes de train en Paris & Nantes), je suis tout de suite projeté dans une première dégustation studieuse de quatre vins (deux en simultané à deux reprises) « Au diable la présentation du sujet que nous trousse habituellement Romain, place à l’action » me dis-je alors que Romain me verse les deux premiers vins à goûter à l’aveugle. C’est donc consciencieusement que je goûte les quatre vins en prenant les notes suivantes :
Vin 1
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Vin 2
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Nez : citron, sucré, puissant,
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Nez : faible, sucré, minéral ?
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Bouche : grasse, chaude, sèche, finale acidité
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Bouche : fraîche, plus tendue, touche saline è Minéralité ??
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Vin 3
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Vin 4
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Nez : printanier, pierre è minéralité ?
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Nez : pierre, pétrole.
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Bouche : fraîche à nouveau puis agrume, acide & saline, puissante.
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Bouche : fumée è minéralité ?
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Tout se passe comme à l’accoutumée… sauf que Romain dévoile facétieusement que ces quatre vins sont en réalité issu de la même bouteille, à savoir un muscadet du domaine les Vignes Saint Vincent (Vin 1), puis dosé à 5% avec de l’eau Donat (Vin 2), avec 0.75g/L d’acide tartrique (Vin 3) et assemblé avec 30% de sauvignon (Vin 4)
Cette expérience vient à point nommé pour aborder la notion de minéralité dans les vins. En effet, si la définition du substantif « minéral » est des plus précises (est minéral tout composé normalement inorganique défini selon sa composition chimique et l’agencement de ses atomes, ex. : les sels minéraux), la notion de minéralité est, elle, beaucoup plus vague.
Il est tout aussi important de se souvenir que la vigne a besoin d’une quinzaine de minéraux environ, ingérés par l’eau absorbée par le porte-greffe qui plonge ses racines dans le sol. Le facteur déterminant est moins la richesse du sol que la biodisponibilité de ces minéraux.
Quant au descripteur minéral, c’est un terme relativement récent dans le vocabulaire de dégustation. Il n’y a pas de référence commune mais la minéralité recouvre deux champs d’application :
· Une caractérisation d’ordre aromatique, évoquant la pierre à fusil, le caillou, la craie, l’iode, voire le pétrole,
· Une perception en bouche qui évoque salinité ou amertume. On utilise par ailleurs rarement le terme minéral pour un vin qui n’a pas d’acidité. On peut affirmer que les deux termes se superposent partiellement.
Les vins présentés comme minéraux sont plutôt issus de régions septentrionales : Chablis, Muscadet, Sancerre, Pouilly, Rieslings alsacien ou allemand.
Le terme minéral s’emploie aussi pour évoquer des vins qui en vieillissant perdent leurs arômes fruités (primaire) pour des arômes de pierre ou fumés (tertiaire) Cette notion s’emploie donc ainsi pour parler de vins complexes & de caractères : on parle aussi de vins tendus, aériens, purs ou « fins » comme le fait Denis Dubourdieu.
Culturellement, le terme est omniprésent, on peut même parler d’un effet de mode qui agit comme un levier mobilisateur d’affect et hiérarchisant, associé à une forme de typicité. Ce terme comporte indéniablement une dimension sociale et confère à celui qui l’emploie un certain respect voire une certaine aura (et suscite plus rarement de l’amusement…)
D’un point de vue chimique, une substance doit être volatile pour être perceptible. Ainsi un caillou n’a pas d’odeur en soir et ce sont les matières organiques déposées à sa surface qui vont dégager une odeur perçue par notre odorat. Il en est de même pour les solutions de sels minéraux : le soufre doit par exemple brûler pour avoir une odeur. En 2003 fut identifiée la molécule responsable de l’odeur de « pierre à fusil », le benzenemethanetiol, composé extrêmement odorant. Son seuil de perception est de
0,3 ng/L et sa concentration dans les vins peut atteindre 30 ng/L soit 100 fois le seuil de perception.
Du point de vue sensoriel olfactif, le descripteur minéral devrait être remplacé par des mots plus précis tels que fumé, empyreumatique, thym… En bouche, les éléments minéraux sont susceptibles d’exprimer une saveur et influent sur notre perception des goûts ; ce sont des exhausteurs de goût.
Il existe depuis peu des tentatives d’approche de la notion de minéralité se fondant sur des rapports entre matières sèches et cendres. Certaines approches émettent l’hypothèse que le vin est finalement un vaste processus de minéralisation qui démarre dès la vendange
Les divergences sont encore nombreuses sur l’interprétation de la notion de minéralité : le besoin de construire un référentiel commun est patent. Voici quelques liens intéressants qui traitent de cette notion :
http://www.chateauloisel.com/etude/mineralite.htm
http://www.lapassionduvin.com/html/magazine/mineralite.php
http://www.denisdubourdieu.fr/fichiers/actualites/act_pj_fr_0005.pdf
Après cette première partie théorique, place à la dégustation à l’aveugle de dix vins venant illustrer le thème de la soirée.
Jurançon sec domaine Camin Larredya La Part Davan 2010 (France – 13€) : nez aux arômes de cire, puis banane avec une note sucrée. La bouche est assez grasse avec une finale acide. Assez Bien+.
Riesling domaine Clément Lissner Rothstein 2009 (France – Don) : nez pétrole, « pastille de Maalox » pour une participante. La bouche est assez sèche en attaque, puis saline et fraîche. Bien.
Muscadet Domaine de la Pépière Les Gras Moutons 2009 (France – Don) : nez citron, puis sucré avec un côté vert. L’attaque en bouche est douce, puis saline et acide. Pas beaucoup de complexité. Moyen.
Riesling Trocken Dr Bürklin Wolf Wachenheimer Gerümpel 2009 (Allemagne – 19.50€) : nez printanier aux arômes de miel et de zeste. L’attaque est sucrée et un peu perlante. La bouche est grasse avec une finale chaude et des notes de pierre à fusil. Beau vin ! Bien+.
Pernand Vergelesses Virgine Pillet 2008 (France – 12.90€): nez citron, médicinal avec une note d’alcool. L’attaque en bouche est fraîche, lactée avec une saveur crayeuse, une note d’aspirine. Belle longueur en finale. Bien.
Chablis Grand Cru Vaudesir Louis Michel 2008 (France – 25.80€) : nez salin avec une note médicinale et herbacée. L’attaque en bouche est tendue, on trouve ensuite de l’acidité puis une finale acide. Certains dégustateurs parlent d’un « faux tendre ». Bien+.
Riesling Hogue Columbia Valley 2008 (USA – 10.80€) : nez pétrole, puis arôme bonbon (smarties) La bouche est sucrée et grasse en attaque avec des notes florales et de bonbon Krema. La finale est acide. Bien+.
Sancerre Domaine Gérard Boulay Clos de Beaujeu 2009 (France – 21€) : nez réduit puis frais, avec des notes cassis. L’attaque est aqueuse, puis le vin gagne en puissance avec des notes de piment. Finale acide. Assez Bien.
Pinot noir vinifié en blanc Domaine Dirler-Cadé 2006 (France – 11.80€) : nez de champignon blanc, beurré et noisette. La bouche est grillée et acide en finale. Moyen.
Riesling Domaine Clément Lissner Wolxchein 2004 (France – Don) : nez oxydatif, noisette et noix avec des notes d’eucalyptus (certains parlent de peinture ou d’atelier de peintre) En bouche, on perçoit des arômes de pomme verte, du gras et une acidité croissante, « acérée » Assez bien.
Riesling Oberhagel 1997 Domaine Bohn (France – 12.50€) : nez d’éther et de bonbon. En bouche, notes d’essence avec une belle acidité dès l’attaque. La fin de bouche est puissante avec des notes aspirine. Avis partagés de Moyen à Assez bien.
La séance consacre le Jurançon du domaine Camin Larredya, puis le Riesling du Domaine Hogue.
A bientôt !